Le samedi 15 février 2025 a marqué un tournant dans l’histoire de l’Union Africaine (UA), avec le passage de relais à la tête de la Commission de l’organisation continentale. Moussa Faki Mahamat, après huit années passées à diriger la Commission, a cédé la place à son successeur, Mahamoud Ali Youssouf, ancien ministre des Affaires étrangères de Djibouti. Ce transfert de pouvoir intervient après un second mandat pour Faki Mahamat, qui reste l’un des rares présidents de la Commission à avoir réussi à briguer deux mandats consécutifs, un exploit salué par ses pairs en raison de son premier mandat jugé fructueux.
L’héritage de Moussa Faki Mahamat à la tête de l’UA est marqué par plusieurs réalisations importantes, mais aussi par des défis persistants et des échecs qui continuent de peser sur l’organisation. Sur le plan économique, l’une de ses principales réussites reste la mise en œuvre de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF), un projet ambitieux qui vise à faciliter les échanges commerciaux au sein du continent et à favoriser la croissance économique. Ce projet a été signé en 2018 et son avancement sous la présidence de Moussa Faki Mahamat est un véritable accomplissement pour l’intégration économique africaine.
Sous sa direction, l’Union Africaine a également renforcé ses relations internationales. L’organisation a été admise en tant que membre du G20, une avancée symbolique mais importante, soulignant l’importance croissante de l’Afrique sur la scène mondiale. Par ailleurs, l’UA a démontré sa capacité à gérer des crises sanitaires mondiales majeures. La gestion de la pandémie de COVID-19, mais aussi de l’épidémie d’Ebola et de la Mpox, a été saluée comme une réponse coordonnée qui a permis de limiter les dégâts à travers le continent.
Le secteur de l’éducation a également connu des réformes sous la direction de Moussa Faki Mahamat, avec une mise en avant de l’innovation et de l’intelligence artificielle. Ces efforts visent à moderniser le système éducatif africain et à préparer les jeunes générations aux défis du futur. Par ailleurs, l’Union Africaine a consolidé ses partenariats avec des acteurs internationaux majeurs tels que les Nations unies et l’Union européenne, ce qui a permis de renforcer son poids diplomatique.
Cependant, malgré ces réussites, le bilan de Moussa Faki Mahamat à la tête de la Commission de l’UA n’est pas exempt de critiques. L’une des principales failles de son mandat réside dans la gestion des crises internes au continent. En particulier, la médiation de l’UA dans la crise soudanaise a échoué à apporter des résultats concrets, alors que le conflit se poursuit dans une violence inouïe. La République Démocratique du Congo (RDC) a également été un point de friction majeur, avec la montée en puissance du groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, qui occupe toujours certaines localités de l’Est du pays. L’UA n’a pas su imposer une solution durable à cette guerre qui menace la stabilité de la région des Grands Lacs.
Autre sujet épineux : le financement de l’organisation. Le manque de ressources financières stables et suffisantes continue d’être un obstacle majeur à la mise en œuvre des projets de l’UA. La dépendance à l’aide internationale et le manque de contributions régulières des États membres ont miné l’efficacité de l’organisation, entravant ainsi ses ambitions de renforcer l’indépendance et l’autonomie de l’Afrique sur le plan diplomatique et opérationnel.
En quittant son poste, Moussa Faki Mahamat laisse ainsi un héritage complexe : celui d’un dirigeant qui a réussi à faire avancer certains projets économiques et sanitaires, mais qui n’a pas pu résoudre les crises politiques majeures qui secouent le continent. Son successeur, Mahamoud Ali Youssouf, hérite de cette situation difficile, mais également d’opportunités pour faire avancer l’agenda de l’Union Africaine face aux enjeux contemporains.
Le défi est désormais entre les mains de l’ancien ministre djiboutien, qui devra naviguer dans un contexte international et africain marqué par des tensions géopolitiques croissantes, des crises humanitaires persistantes et des défis économiques majeurs. La présidence de la Commission de l’Union Africaine, loin d’être un mandat facile, reste un terrain de lutte pour l’avenir du continent et de son intégration sur la scène mondiale.